Enfant jouant à la marchande avec des jouets et accessoires colorés, entouré d'éléments évoquant la créativité et l'expression émotionnelle
Publié le 17 mai 2025

Contrairement à l’idée reçue, les jeux d’imitation ne sont pas un simple mimétisme : ils sont une véritable salle de répétition neuro-émotionnelle où l’enfant décode et maîtrise activement le monde des adultes.

  • Le « faire semblant » active des zones cérébrales clés liées à la planification, à l’empathie et à la régulation des émotions.
  • Les scénarios de jeu (docteur, super-héros) sont des fenêtres directes sur les tensions internes et les questions que se pose votre enfant.

Recommandation : Observez ces jeux non pas comme une distraction, mais comme un dialogue. En y participant subtilement, vous offrez à votre enfant les outils pour construire son intelligence relationnelle future.

Quand vous observez votre enfant donner la leçon à une poupée ou ausculter un ours en peluche avec le plus grand des sérieux, que voyez-vous ? Une adorable scène de mimétisme ? Une façon charmante de passer le temps ? Bien sûr. Mais si vous regardiez de plus près, vous verriez bien plus qu’une simple copie de vos gestes. Vous assisteriez à une séance de travail intense, un véritable entraînement de l’esprit et du cœur. La plupart des conseils pour parents se concentrent sur les jouets à acheter ou les activités à organiser, en survolant la signification profonde de ces moments.

L’erreur commune est de considérer le jeu d’imitation comme une activité passive, une simple récitation de ce que l’enfant a vu. Mais si la véritable clé n’était pas dans l’imitation elle-même, mais dans l’interprétation ? Et si la bataille de Playmobil dans le salon n’était pas un chaos de plastique, mais une renégociation complexe des règles sociales de la cour de récré ? Cet article vous propose de chausser de nouvelles lunettes, celles de l’interprète, pour décoder le langage caché du « faire semblant ». Nous allons explorer comment ces scénarios, de la visite chez le dentiste au conflit entre super-héros, sont en réalité un laboratoire social et émotionnel sophistiqué où votre enfant ne se contente pas de jouer un rôle, mais construit activement les fondations de son intelligence relationnelle et de sa capacité à naviguer dans la complexité du monde.

Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante résume l’essentiel des points abordés dans notre guide, en se concentrant sur l’apprentissage de la socialisation par le jeu. Une présentation complète pour aller droit au but.

Pour vous guider dans ce décodage fascinant, nous avons structuré cet article en plusieurs explorations clés. Chaque section vous donnera des clés pour comprendre, accompagner et enrichir ces moments de jeu si précieux, sans jamais prendre le contrôle.

Maman, docteur ou super-héros : ce que les jeux de rôle de votre enfant vous disent sur ce qu’il vit à l’intérieur

Lorsque votre enfant enfile une blouse blanche et se déclare « docteur », ou gronde sévèrement une poupée en tant que « maman », il ne fait pas que s’amuser. Il ouvre une fenêtre sur son monde intérieur. Ces scénarios sont un langage symbolique à travers lequel il exprime, explore et tente de maîtriser des émotions ou des situations qui le dépassent. Le choix du rôle n’est jamais anodin. Incarner un super-héros, c’est peut-être une façon de se sentir puissant face à un sentiment d’impuissance. Jouer au docteur, c’est reprendre le contrôle sur une expérience qui a pu être passive ou angoissante. C’est une forme de « scénario-thérapie » autodirigée et parfaitement saine.

Cette externalisation est un mécanisme psychologique fondamental pour le développement. En projetant ses propres tensions sur un personnage, l’enfant les met à distance, les rend tangibles et donc, plus faciles à gérer. Comme le souligne Émilie Dupont, psychologue de l’enfance :

Le jeu de rôle permet aux enfants d’exprimer des émotions complexes et d’externaliser des tensions internes en incarnant différents personnages, ce qui est essentiel pour leur développement émotionnel.

– Émilie Dupont, Éduquer son enfant avec le jeu de rôle (+exemples concrets)

Cette tendance est loin d’être anecdotique. En effet, une étude récente a révélé que plus de 72% des enfants utilisent spontanément le jeu de rôle pour exprimer et gérer des émotions complexes. Observer ces jeux, c’est donc avoir accès à un bulletin météo de l’état émotionnel de votre enfant. Une dispute mise en scène entre deux figurines peut refléter un conflit vécu à l’école ; un soin méticuleux apporté à une peluche « malade » peut exprimer une inquiétude pour un proche. L’important n’est pas d’intervenir, mais d’écouter ce que le jeu raconte.

La caverne d’Ali Baba de l’imitation : comment créer un coin jeu de rôle incroyable avec un budget mini

Nul besoin de transformer votre salon en magasin de jouets pour nourrir l’imaginaire de votre enfant. Au contraire, la créativité s’épanouit souvent mieux avec moins. Le secret d’un espace de jeu de rôle réussi réside dans la polyvalence et la suggestion plutôt que dans l’hyperréalisme. Un simple tapis peut devenir une île déserte, un cabinet médical ou une scène de spectacle. Quelques coussins délimitent l’espace et le rendent accueillant. L’élément le plus important est de fournir des matériaux non-structurés : des cartons, des tissus de différentes tailles et textures, des boîtes, des bâtons…

Ces objets « pauvres » sont en réalité d’une richesse infinie, car ils n’imposent aucune fonction. Un carton peut être tour à tour une voiture, un four ou un château. C’est cette flexibilité qui pousse l’enfant à développer sa pensée divergente. Une étude a d’ailleurs montré que près de 85% des éducateurs citent les éléments non-structurés comme essentiels pour encourager cette compétence clé. Pour les plus jeunes, qui commencent à explorer le jeu symbolique vers 18-24 mois, ces objets simples sont parfaits pour initier le « faire semblant ».

Coin jeu de rôle coloré avec accessoires simples, cartons, tissus, déguisements et objets symboliques représentant des émotions

Pour organiser ce trésor, pensez en termes de schèmes universels plutôt que de thèmes figés. Prévoyez une caisse pour « la transaction » (fausse monnaie, caisse enregistreuse en carton), une autre pour « la transformation » (vieux vêtements, chapeaux, tissus pour se déguiser) et une dernière pour « le soin » (trousse de docteur, poupées, bandages). Cette organisation permet à l’enfant de piocher ce dont il a besoin pour construire son propre scénario, sans être enfermé dans un univers pré-défini. C’est ainsi que vous créez un véritable laboratoire d’imagination.

« On dirait que… » : l’art de jouer avec votre enfant sans jamais prendre le contrôle du jeu

Entrer dans le jeu de votre enfant est un privilège, mais aussi un exercice d’équilibriste. L’erreur la plus commune est de vouloir diriger le scénario, d’imposer sa logique d’adulte ou de « corriger » le jeu. Or, le but n’est pas de créer une histoire cohérente, mais de laisser l’enfant explorer ses propres idées. Pour cela, la meilleure posture est celle du comédien d’improvisation. La règle d’or, comme l’explique Clémentine Martin, spécialiste en théâtre et parentalité, est celle du « Oui, et… ». Cela consiste à toujours accepter la proposition de l’enfant (« Oui, je suis un patient qui a mal au ventre… ») et à y ajouter un petit élément qui enrichit le jeu sans le dénaturer (« …et je crois que j’ai avalé une clé à molette ! »).

Cette technique simple change tout : elle valide l’imaginaire de l’enfant, renforce son sentiment de compétence et transforme le jeu en une véritable cocréation. Si votre enfant semble peu enclin au jeu symbolique, cette approche douce peut l’encourager. Plutôt que de dire « Joue au garagiste », vous pouvez prendre deux voitures et simplement faire le bruit du moteur, en attendant qu’il réagisse. Votre rôle est de lancer des hameçons, pas de donner des ordres. Vous pouvez endosser plusieurs types de rôles de soutien :

  • Le coéquipier : vous suivez ses directives sans poser de questions (« D’accord, chef ! On construit la tour ici ? »).
  • Le client bienveillant : vous entrez dans son magasin ou son restaurant et posez des questions ouvertes pour l’aider à développer son scénario (« Bonjour, que vendez-vous d’extraordinaire aujourd’hui ? »).
  • L’obstacle rigolo : vous introduisez un petit défi ludique qu’il devra résoudre (« Oh non ! Le pont est cassé, comment allons-nous traverser la rivière de lave ? »).

L’objectif est de toujours rester un personnage secondaire dans son histoire. Vous êtes le partenaire de scène, pas le metteur en scène. C’est en respectant ce cadre que vous lui offrez le plus grand des cadeaux : un espace sécurisé pour être le maître de son propre monde.

On joue à aller chez le dentiste ? La méthode pour utiliser le jeu de rôle afin de désamorcer les peurs de votre enfant

La peur du docteur, du dentiste ou du noir est une étape normale du développement. Plutôt que de simplement rassurer avec des mots, le jeu de rôle offre un outil d’une puissance redoutable : la « vaccination émotionnelle ». En jouant une situation anxiogène dans un cadre sécurisé et contrôlé, l’enfant peut l’apprivoiser, la déconstruire et finalement, la maîtriser. L’efficacité de cette approche est prouvée, notamment dans le milieu médical où l’on observe jusqu’à 40% de réduction de la peur du dentiste chez les enfants grâce à des jeux préparatoires.

La méthode pour transformer le jeu en « scénario-thérapie » est simple et se déroule en trois temps. D’abord, la déconstruction : il s’agit de lister et de mimer chaque petite étape de l’événement redouté. Pour une visite chez le dentiste, cela peut être : s’asseoir sur le fauteuil qui monte, ouvrir grand la bouche, regarder le petit miroir, etc. Le fait de segmenter l’inconnu le rend moins impressionnant. Ensuite, vient l’étape cruciale de l’inversion des rôles. C’est maintenant l’enfant qui devient le dentiste, et vous le patient. Ce renversement de pouvoir est magique : de passif, il devient actif et maître de la situation. C’est lui qui contrôle les instruments et donne les directives, ce qui diminue radicalement son sentiment d’impuissance.

Un enfant jouant à faire le dentiste avec un adulte jouant le patient, dans un environnement ludique et rassurant

Enfin, la troisième étape est la variation des scénarios. Une fois que l’enfant est à l’aise, vous pouvez introduire des nuances. Faites-le soigner un doudou très courageux, puis un autre un peu plus inquiet. Cela lui permet d’explorer différentes réactions émotionnelles et de développer son empathie. En rejouant la scène plusieurs fois, il ne s’agit pas seulement de répéter des gestes, mais de créer une familiarité qui chassera l’angoisse le jour J. Le cabinet du dentiste ne sera plus un lieu totalement inconnu, mais une version réelle d’un jeu qu’il a déjà maîtrisé.

La dînette est-elle réservée aux filles ? Comment déconstruire les stéréotypes de genre dans les jeux d’imitation

« Les poupées c’est pour les filles, les voitures pour les garçons. » Ces clichés, bien que datés, ont la vie dure. Le jeu d’imitation est l’un des premiers terrains où les enfants intègrent et reproduisent les stéréotypes de genre présents dans la société. Le problème n’est pas qu’un garçon joue à la voiture ou qu’une fille joue à la dînette, mais que l’un ou l’autre se sente interdit d’explorer le jeu de l’autre. Brider ces explorations, c’est priver l’enfant de développer un éventail complet de compétences. Le jeu de « care » (soin) développe l’empathie et la sollicitude, tandis que les jeux de construction développent la vision spatiale et la résolution de problèmes. Tous les enfants ont besoin de toutes ces compétences.

La persistance de ces stéréotypes est un fait social ; une étude récente de France Stratégie a montré qu’encore un quart des Français continue d’adhérer modérément ou fortement aux stéréotypes de genre. Votre rôle n’est pas de forcer votre fils à jouer à la poupée, mais de créer un environnement où tous les jeux sont accessibles et valorisés pour tous. Cela passe par le choix des jouets (proposer une cuisine en bois neutre, des outils de bricolage et une trousse de docteur), mais surtout par votre discours. Comme le disent Guergana Guintcheva et ses co-auteurs, « un accès équitable à une variété de jeux permet aux enfants de développer un éventail complet de compétences, indépendamment des stéréotypes de genre. »

Si une remarque sexiste fuse, de l’enfant lui-même ou d’un autre adulte, il est important d’intervenir calmement avec des « scripts » préparés. Voici quelques exemples pour ouvrir le dialogue :

  • Face à « C’est un jeu de fille ! » : « Chez nous, il n’y a pas de jeux de filles ou de garçons. Il n’y a que des jeux amusants. Tout le monde a le droit de s’occuper des autres ou de construire des choses. »
  • Pour valoriser le jeu de « care » chez un garçon : « S’occuper de sa poupée, c’est apprendre à être un super papa plus tard. La douceur, c’est aussi une grande force. »
  • Pour valoriser le jeu de construction chez une fille : « Construire cette tour, c’est un travail d’architecte ! La précision est aussi importante que l’imagination. »

L’objectif n’est pas de faire la morale, mais de recadrer la pensée en douceur, en liant le jeu à des compétences universelles (le soin, la construction, la créativité) plutôt qu’à un genre.

Quand votre enfant joue au docteur, il fait bien plus que vous imiter : l’importance capitale du « faire semblant ».

Le « faire semblant » est souvent perçu comme une simple rêverie, une charmante distraction. En réalité, c’est l’une des activités cognitives les plus complexes et bénéfiques de la petite enfance. Lorsque votre enfant décide qu’un cube est un téléphone ou qu’il est un lion, il réalise une prouesse cérébrale : il inhibe la réalité (le cube n’est pas un téléphone) pour la remplacer par une représentation mentale. Cet effort est tout sauf anodin. Il s’agit d’un entraînement intensif des fonctions exécutives, ce « chef d’orchestre » situé dans notre cortex préfrontal qui gère la planification, la flexibilité mentale et le contrôle de soi.

Comme le précise Stéphanie Duval dans ses recherches, le jeu de « faire semblant » stimule ces compétences indispensables à la réussite scolaire et sociale. En effet, inventer un scénario demande de planifier (« D’abord, le patient arrive, ensuite je l’examine… »), de s’adapter aux imprévus (flexibilité cognitive : « Oh, le patient est en fait un extraterrestre ! ») et de rester dans son rôle (inhibition : ne pas rire quand papa fait semblant d’avoir très mal). L’impact de cet entraînement est mesurable : on observe jusqu’à 68% d’amélioration des capacités de planification et de flexibilité cognitive chez les enfants qui pratiquent régulièrement le jeu de rôle.

Ce mécanisme repose sur des bases neuroscientifiques solides. Jouer à être quelqu’un d’autre active les neurones miroirs, ces cellules de l’empathie qui nous permettent de nous mettre à la place d’autrui. L’enfant ne se contente pas de copier un docteur ; il tente de ressentir ce que le docteur ressent. Ce faisant, il construit sa capacité à comprendre les intentions et les émotions des autres. Le jeu de rôle est donc une répétition neuro-cognitive qui prépare le cerveau de l’enfant aux interactions sociales complexes de la vie réelle. C’est le gymnase où il muscle son cerveau social.

La bataille des Playmobil : ce qu’elle vous révèle sur la vie sociale de votre enfant à l’école.

Le sol de la chambre, jonché de figurines, est bien plus qu’un simple champ de bataille. C’est un laboratoire social sécurisé où votre enfant rejoue, dissèque et expérimente les dynamiques complexes qu’il observe ou vit au quotidien, notamment à l’école. Les alliances, les trahisons, les négociations et les conflits qui animent ses personnages sont souvent le reflet direct de sa propre vie sociale. Un personnage constamment mis à l’écart, un autre qui impose sa volonté par la force, un troisième qui tente de négocier la paix… Tous ces scénarios vous parlent de la place que votre enfant occupe, ou craint d’occuper, au sein de son groupe de pairs.

Observer ces jeux sans intervenir est une source d’information inestimable. C’est l’occasion de comprendre comment il perçoit les relations de pouvoir, comment il tente de résoudre les conflits et quelles sont les stratégies qu’il met en place. Est-il plutôt dans la confrontation, l’évitement ou la recherche de compromis ? En prêtant attention, vous pouvez déceler des difficultés ou des questionnements qu’il n’arriverait pas à verbaliser. C’est un diagnostic en direct de ses compétences sociales en cours d’acquisition.

Si vous remarquez que le jeu tourne en boucle sur un conflit sans issue, vous pouvez subtilement intervenir, non pas comme un arbitre, mais comme un élément narratif. Introduire un nouveau personnage ou un événement extérieur (un « monstre » qui attaque tous les camps, un trésor à chercher ensemble) peut obliger les protagonistes à coopérer et ainsi montrer à votre enfant, par le jeu, qu’une autre issue est possible. Vous ne lui donnez pas une leçon de morale, vous enrichissez sa palette de stratégies de résolution de conflits.

Votre grille d’observation pour décoder la vie sociale de votre enfant :

  1. Rôles et pouvoir : Identifiez qui sont les leaders, les suiveurs, les exclus. Observez qui prend les décisions et comment le pouvoir est distribué entre les personnages.
  2. Gestion des conflits : Notez comment les désaccords sont résolus. Par la force (la bataille), la ruse (un personnage piège un autre) ou la négociation (les personnages parlementent) ?
  3. Alliances et coopération : Repérez quels personnages s’associent et dans quel but. S’agit-il de s’unir contre un autre ou pour atteindre un objectif commun ?
  4. Réactions à l’injustice : Si un personnage est traité injustement, observez la réaction des autres. Interviennent-ils, restent-ils passifs ou participent-ils ?
  5. Flexibilité des scénarios : L’enfant est-il capable de changer le cours de l’histoire, d’accepter qu’un « méchant » devienne « gentil », ou rejoue-t-il sans cesse le même schéma ?

À retenir

  • Le jeu d’imitation est un outil de diagnostic : les rôles choisis par l’enfant révèlent ses préoccupations et tensions internes.
  • L’environnement de jeu idéal privilégie les objets non-structurés (cartons, tissus) qui stimulent davantage la créativité qu’un excès de jouets réalistes.
  • En tant que parent, votre meilleur rôle est celui d’un partenaire de jeu qui suit et enrichit (« Oui, et… ») sans jamais diriger le scénario.

Le grand jeu des émotions : la boîte à outils pour apprendre à votre enfant à naviguer dans le monde de la joie, de la colère et de la tristesse.

Les émotions sont souvent des vagues immenses et abstraites pour un jeune enfant. Le jeu de rôle lui offre un moyen de leur donner une forme, un nom et une histoire. En faisant vivre la colère à un T-Rex ou la tristesse à une poupée, il peut explorer ces sentiments à une distance de sécurité, sans être submergé. Il apprend ainsi à construire sa grammaire émotionnelle. Plus un enfant est capable de mettre des mots précis sur ce qu’il ressent (être « frustré » plutôt que juste « énervé »), mieux il saura gérer ses émotions. On estime que 75% des enfants développent une meilleure compréhension émotionnelle grâce à cette exploration des nuances, un concept appelé « granularité émotionnelle ».

Pour l’aider dans cette exploration, vous pouvez matérialiser les émotions en créant une « boîte à outils » dédiée. Il ne s’agit pas de jouets complexes, mais d’accessoires symboliques qui peuvent être intégrés à n’importe quel jeu. Cette approche rend le concept d’émotion tangible et manipulable. Par exemple, votre boîte pourrait contenir :

  • Des boules de coton pour représenter les larmes et la tristesse.
  • Du papier de soie rouge froissé pour symboliser une explosion de colère.
  • Une plume douce pour évoquer la joie, la légèreté ou un moment de calme.
  • Des petites pierres lisses à tenir pour représenter le besoin de réconfort.

Lorsqu’un de ses personnages vit une émotion forte, vous pouvez lui proposer d’utiliser un objet de la boîte. « On dirait que ton personnage est très en colère. Veux-tu qu’on utilise le papier rouge pour le montrer ? ». Petit à petit, l’enfant s’appropriera ces outils pour exprimer des sentiments de plus en plus fins. C’est une façon concrète et ludique de lui donner un vocabulaire pour parler de ce qui se passe à l’intérieur de lui, une compétence qui lui sera précieuse toute sa vie.

En comprenant la profondeur et la complexité qui se cachent derrière chaque « on dirait que… », vous transformez votre regard sur le jeu de votre enfant. Vous ne voyez plus une simple distraction, mais une œuvre en construction : celle d’un être social et émotionnel en devenir. Votre rôle est celui d’un guide bienveillant, qui fournit les matériaux, sécurise le laboratoire et applaudit les incroyables découvertes qui s’y font chaque jour.

Rédigé par Éléonore Fournier, Éléonore Fournier est psychologue du développement de l'enfant depuis plus de 15 ans, spécialisée dans l'approche par le jeu et la parentalité positive. Elle accompagne les familles pour les aider à décoder les comportements de leurs enfants et à y répondre de manière constructive.