
La perte de concentration de votre enfant n’est pas une fatalité, mais l’atrophie d’un muscle neurocognitif que l’on peut rééduquer.
- La sur-stimulation permanente, notamment due aux écrans, épuise les ressources attentionnelles et empêche le développement du contrôle exécutif.
- Renforcer ce « muscle » nécessite une approche globale qui va bien au-delà de la simple limitation du temps d’écran.
Recommandation : Mettez en place un protocole stratégique agissant sur trois piliers : une « architecture de l’attention » (environnement), une hygiène neuro-cognitive saine (sommeil, alimentation) et un entraînement ciblé par le jeu.
Vous l’observez, ce petit manège quotidien. Votre enfant commence un puzzle, puis se lève pour attraper une voiture, qu’il délaisse presque aussitôt pour un livre qu’il ne fait que feuilleter. Il « papillonne », passant d’une activité à l’autre sans jamais vraiment s’y plonger. Cette difficulté à se poser, à maintenir son effort sur une tâche, est une source d’inquiétude grandissante pour de nombreux parents. Face à ce constat, les conseils habituels fusent : « limite les écrans », « assure-toi qu’il dorme assez ». Ces recommandations, bien que pleines de bon sens, traitent souvent le symptôme sans s’attaquer à la racine du problème.
Il est crucial de comprendre que nous ne faisons pas face à une simple « génération distraite ». D’un point de vue neurocognitif, nous assistons à une véritable mise à l’épreuve de l’un des systèmes les plus précieux du cerveau humain : le système attentionnel. Ce guide ne vise pas à poser un diagnostic de trouble du déficit de l’attention (TDAH), qui relève exclusivement d’un avis médical. Notre objectif est de vous armer, en tant que parent, d’une compréhension scientifique et d’un plan d’action concret pour protéger et renforcer ce que nous appelons le « muscle de l’attention » de votre enfant.
Et si la véritable clé n’était pas seulement de réduire les distractions, mais d’entraîner activement le cerveau à mieux les filtrer ? Si la solution résidait dans une stratégie globale, agissant à la fois sur l’environnement, l’hygiène de vie et des activités ludiques ciblées ? Cet article vous propose de passer du rôle de simple « contrôleur du temps d’écran » à celui de véritable « architecte de l’attention » de votre enfant. Nous allons explorer ensemble comment transformer votre foyer en un sanctuaire pour la concentration, quels jeux peuvent devenir de puissants outils de musculation cérébrale et comment des règles de vie simples constituent le carburant indispensable à un cerveau attentif.
Pour vous guider dans cette démarche, nous avons structuré ce guide complet en plusieurs étapes clés. Chaque section vous apportera des éclairages scientifiques et des solutions pratiques pour bâtir, pas à pas, le super-pouvoir de concentration de votre enfant.
Sommaire : Protéger et développer la capacité de concentration de votre enfant, le guide
- L’ennemi de la concentration, c’est l’environnement : comment créer une « bulle de silence » visuel et sonore pour votre enfant
- Les jeux qui musclent l’attention : notre sélection pour transformer votre enfant en un détective capable de rester concentré
- La technique du « pomodoro » pour les enfants : comment un simple minuteur peut décupler la concentration de votre enfant
- Le secret de la concentration n’est pas dans la tête, mais dans l’assiette (et dans le lit) : les règles d’hygiène de vie pour un cerveau attentif
- « Écoute le silence » : 5 mini-exercices de pleine conscience pour apprendre à votre enfant à calmer le hamster dans sa tête
- Le piège du « Jacques a dit » : le jeu qui entraîne le cerveau de votre enfant à ne pas réagir impulsivement
- À la recherche du jeu silencieux : comment les jouets traditionnels aident votre enfant à trouver le calme et la concentration
- L’éloge de la lenteur : les jeux qui apprennent à votre enfant le super-pouvoir de la patience dans un monde d’immédiateté
L’ennemi de la concentration, c’est l’environnement : comment créer une « bulle de silence » visuel et sonore pour votre enfant
Avant même de penser à « entraîner » l’attention, la première étape, fondamentale, est de concevoir ce que les neuroscientifiques appellent une architecture de l’attention. L’idée est simple : l’attention n’est pas une ressource infinie. Chaque notification, chaque bruit de fond, chaque objet qui traîne dans le champ de vision est une « micro-décision » que le cerveau doit traiter : « Est-ce que je dois y prêter attention ? ». Cette charge cognitive permanente épuise les capacités de concentration de l’enfant avant même qu’il n’ait commencé sa tâche. Le problème n’est donc pas l’enfant, mais l’environnement sur-stimulant dans lequel il évolue.
Les chiffres sont éloquents. En France, les jeunes de 7 à 19 ans passent en moyenne 3h11 par jour sur les écrans. Au-delà du temps passé, c’est la nature même de ces sollicitations (rapides, sonores, gratifiantes) qui reconfigure le seuil de tolérance du cerveau à l’ennui et à l’effort. Face à ce constat, la commission d’experts sur les écrans a émis des recommandations claires : pas d’écran avant 3 ans, un usage très limité et accompagné jusqu’à 6 ans, et pas de téléphone portable avant 11 ans. Ces règles ne sont pas des punitions, mais des mesures de protection neuro-cognitive.
Créer une « bulle de silence » ne signifie pas vivre dans une maison aseptisée. Il s’agit de définir des zones et des moments « sacrés ». L’espace de devoirs, par exemple, doit être visuellement épuré : seuls les outils nécessaires sont sur la table. Le reste est rangé. Pendant les périodes de concentration, la télévision est éteinte, les notifications des téléphones des parents sont en mode silencieux. Vous montrez ainsi par l’exemple que l’attention est une ressource précieuse qui mérite d’être protégée collectivement.
Votre plan d’action pour une bulle de concentration
- Points de contact distractifs : Listez tous les écrans (TV, tablettes, smartphones), les jouets bruyants et les zones de désordre visuel dans les pièces de vie et la chambre de l’enfant.
- Collecte d’informations : Pendant une journée type, notez à chaque fois que votre enfant est interrompu dans une activité (par une notification, un bruit, une autre personne).
- Confrontation et cohérence : Comparez vos observations avec votre objectif de « calme ». Est-ce que la TV allumée en fond sonore pendant les devoirs est cohérente avec cet objectif ?
- Mémorabilité et émotion : Identifiez dans la chambre un « coin calme » (un fauteuil, un tapis avec des coussins) et faites-en un lieu positif associé à la lecture ou au jeu silencieux, pas à une punition.
- Plan d’intégration : Établissez des règles claires et communes : « Pas d’écrans dans la chambre », « Le téléphone de papa/maman est en mode silencieux pendant tes devoirs ». Commencez par une seule règle et tenez-vous-y.
En agissant sur l’environnement, vous ne faites pas que retirer des obstacles. Vous enseignez à votre enfant une leçon implicite mais puissante : pour bien réfléchir, il faut d’abord s’offrir le luxe du calme.
Les jeux qui musclent l’attention : notre sélection pour transformer votre enfant en un détective capable de rester concentré
Une fois l’environnement assaini, il est temps de passer à la phase active : la musculation. Le muscle attentionnel de l’enfant, atrophié par la gratification instantanée des écrans, a besoin d’un programme d’entraînement spécifique. Et la meilleure salle de sport pour le cerveau d’un enfant, c’est la table de jeu. Mais attention, tous les jeux ne se valent pas. Oubliez les jeux qui ne font qu’exciter et sur-stimuler. Nous cherchons des « exercices de fitness cérébral » qui ciblent des compétences attentionnelles précises : l’attention sélective (se concentrer sur un élément pertinent en ignorant les autres), l’attention soutenue (maintenir sa concentration dans la durée) et l’inhibition (résister à l’envie de répondre trop vite).
Le jeu de société, pratiqué en famille, est un outil formidable. Il réintroduit un rythme plus lent, des règles à respecter et l’interaction humaine, trois éléments qui s’opposent radicalement à l’expérience solitaire et frénétique de l’écran. C’est un moment où l’enfant apprend à attendre son tour, à observer les autres, à élaborer une stratégie et à gérer sa frustration en cas d’échec.
Voici une sélection de jeux, particulièrement populaires en France et reconnus pour leurs bienfaits sur la concentration :
- Dobble (Asmodée) : Un classique qui est un exercice intense d’attention sélective et de discrimination visuelle. L’enfant doit scanner rapidement des cartes pour trouver l’unique symbole commun, en inhibant tous les autres.
- Cortex (Asmodée) : Ce jeu est un véritable parcours de santé cérébral. Il propose 8 types de défis qui mobilisent l’observation, la mémoire, la logique et la coordination, forçant le cerveau à basculer rapidement entre différents types d’attention.
- Jungle Speed (Asmodée) : Parfait pour entraîner l’inhibition cognitive. Il faut être rapide pour attraper le totem, mais surtout, ne pas l’attraper quand il ne faut pas. C’est l’école du « réfléchir avant d’agir ».
- Concept (Repos Production) : Ce jeu développe l’attention partagée et la flexibilité mentale. Pour faire deviner un mot, l’enfant doit se concentrer sur plusieurs concepts à la fois et les combiner de manière logique.
Cette photo illustre parfaitement ce moment de connexion et de concentration partagée que permet le jeu de société, loin des sollicitations numériques.

Comme on peut le voir, les mains des enfants et des adultes sont engagées dans une même activité, créant une bulle d’interaction focalisée. En transformant le jeu en un rituel familial régulier, vous offrez à votre enfant le meilleur entraînement possible pour son cerveau, tout en renforçant vos liens.
L’objectif n’est pas de transformer votre enfant en champion de jeux de société, mais de lui donner les outils cognitifs pour devenir un champion de la concentration dans sa vie de tous lesjours.
La technique du « pomodoro » pour les enfants : comment un simple minuteur peut décupler la concentration de votre enfant
L’un des plus grands défis pour un enfant est de faire face à une tâche qui lui semble une montagne insurmontable, comme « faire ses devoirs ». Cette perception décourageante paralyse l’attention avant même de commencer. La technique Pomodoro, initialement conçue pour la productivité des adultes, est un outil neuro-pédagogique d’une efficacité redoutable lorsqu’elle est adaptée aux enfants. Le principe est d’une simplicité désarmante : transformer la montagne en une série de petites collines. Au lieu de « fais tes devoirs », l’objectif devient « concentre-toi à 100% sur cette tâche pendant 15 minutes ».
L’utilisation simultanée de plusieurs écrans pourrait nuire à l’efficacité des apprentissages chez l’enfant, en modifiant l’attention, en diluant la concentration sur les différentes tâches.
– Haut Conseil de la santé publique, Rapport sur les effets de l’exposition des enfants aux écrans
Cette approche est puissante car elle respecte le fonctionnement du cerveau. Comme le souligne le Haut Conseil de la santé publique, le multitâche est un mythe qui dilue l’attention. Le Pomodoro impose le monotâche. Pour l’enfant, le minuteur a un effet quasi magique : il matérialise le temps et le rend fini. La tâche n’est plus infinie, elle a un début et une fin clairs. Pendant ce laps de temps, la règle est simple : concentration totale sur l’objectif défini. La pause qui suit n’est pas une simple récompense, elle est neurologiquement essentielle. C’est le moment où le cerveau se « recharge » et consolide ce qui vient d’être appris.
La durée des sessions doit impérativement être adaptée à l’âge de l’enfant. Tenter d’imposer 25 minutes à un enfant de CP est contre-productif. Il faut commencer court pour créer des victoires et augmenter progressivement la durée. Voici des repères, comme le détaillent des recommandations adaptées, pour vous guider :
| Niveau scolaire | Durée de travail | Durée de pause | Type d’activité recommandée |
|---|---|---|---|
| CP | 10-15 minutes | 5 minutes | Lecture, écriture |
| CE2 | 15-20 minutes | 5 minutes | Exercices de maths, leçons |
| CM2 | 20-25 minutes | 5-7 minutes | Devoirs complexes |
| 6ème | 25-30 minutes | 7-10 minutes | Révisions, dissertations |
En utilisant le Pomodoro, vous n’apprenez pas seulement à votre enfant à travailler plus efficacement. Vous lui apprenez à gérer son énergie mentale, une compétence qui lui sera précieuse toute sa vie.
Le secret de la concentration n’est pas dans la tête, mais dans l’assiette (et dans le lit) : les règles d’hygiène de vie pour un cerveau attentif
Nous pouvons optimiser l’environnement et entraîner l’attention avec les meilleurs jeux du monde, mais si le « moteur » cérébral manque de carburant de qualité, tous ces efforts seront vains. La concentration n’est pas une entité éthérée ; c’est un processus biologique gourmand en énergie, directement dépendant de ce que nous appelons l’hygiène neuro-cognitive. Cette dernière repose sur deux piliers non négociables : le sommeil et l’alimentation. Ignorer ces aspects, c’est comme vouloir courir un marathon après une nuit blanche et avec un régime à base de bonbons.
Le sommeil est sans doute le facteur le plus critique et le plus sous-estimé. Ce n’est pas un « temps mort », mais une phase de maintenance active pour le cerveau. Pendant que l’enfant dort, son cerveau trie les informations de la journée, consolide les souvenirs et les apprentissages (passant de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme), et surtout, il « nettoie » les déchets métaboliques accumulés pendant l’éveil. Un enfant en manque de sommeil a un cerveau « encrassé », ce qui se traduit directement par de l’irritabilité, de l’impulsivité et une incapacité à maintenir son attention. L’exposition aux écrans, surtout le soir, est particulièrement néfaste car la lumière bleue qu’ils émettent perturbe la production de mélatonine, l’hormone du sommeil.
L’alimentation est le second pilier. Le cerveau, bien qu’il ne représente que 2% du poids corporel, consomme près de 20% de l’énergie. Pour fonctionner de manière optimale, il a besoin d’un apport constant en glucose. C’est pourquoi un petit-déjeuner équilibré, riche en sucres lents (flocons d’avoine, pain complet) est essentiel. Les pics de sucre rapide (viennoiseries, céréales sucrées) provoquent un « shoot » d’énergie suivi d’une chute brutale (hypoglycémie réactionnelle), synonyme de coup de barre et de perte de concentration en milieu de matinée. De plus, les acides gras oméga-3 (présents dans les poissons gras, les noix, l’huile de colza) sont des constituants essentiels des membranes des neurones et jouent un rôle clé dans la fluidité de la communication cérébrale. Une alimentation variée et équilibrée est littéralement la matière première de la pensée. La cohorte française Elfe constate que dès 5 ans et demi, le temps d’écran moyen atteint 1h34 au quotidien, un temps qui empiète souvent sur les activités physiques et un sommeil de qualité.
En veillant à un sommeil suffisant et à une alimentation adaptée, vous ne faites pas que prendre soin de la santé de votre enfant. Vous construisez activement les fondations biologiques de sa capacité à apprendre et à se concentrer.
« Écoute le silence » : 5 mini-exercices de pleine conscience pour apprendre à votre enfant à calmer le hamster dans sa tête
Même dans un environnement calme, le plus grand facteur de distraction vient souvent de l’intérieur : ce fameux « petit hamster » qui tourne dans la tête, faisant sauter la pensée d’une préoccupation à une autre. Apprendre à un enfant à se concentrer, c’est aussi lui apprendre à apaiser ce bruit mental. La méditation de pleine conscience, loin des clichés ésotériques, est un outil neurocognitif puissant pour cela. Il ne s’agit pas de « faire le vide », mais plutôt d’entraîner son attention à se poser sur une seule chose (sa respiration, une sensation corporelle) et à ramener doucement son esprit quand il s’échappe. C’est un exercice de régulation attentionnelle.
Pour les enfants, cette pratique doit être ludique, courte et imagée. Inutile de viser de longues séances. Quelques minutes par jour suffisent pour créer des bénéfices notables sur la gestion du stress, de l’impulsivité et la capacité à se recentrer. L’idée est d’intégrer ces mini-exercices comme des rituels apaisants dans la journée, par exemple avant les devoirs ou au moment du coucher.
Voici 5 exercices simples et efficaces, inspirés des pratiques en milieu scolaire en France :
- La météo intérieure : Demandez à votre enfant : « Quel temps fait-il dans ta tête et dans ton cœur en ce moment ? Est-ce qu’il y a du soleil, des nuages, de la pluie, du vent ? ». Cet exercice simple l’aide à mettre des mots sur ses émotions sans jugement.
- L’exercice du spaghetti : L’enfant s’allonge et imagine qu’il est un spaghetti cru, tout dur et tendu. Puis, en respirant, il devient un spaghetti cuit, tout mou et détendu. C’est une excellente façon de prendre conscience et de relâcher les tensions corporelles.
- La respiration du ballon : En position assise ou allongée, l’enfant pose ses mains sur son ventre. En inspirant par le nez, il « gonfle le ballon » dans son ventre. En expirant par la bouche, il le dégonfle doucement. Cet exercice ancre l’attention sur la sensation physique de la respiration.
- Le scan corporel de 2 minutes : Au moment du coucher, guidez votre enfant pour qu’il « allume une petite lumière » de son attention sur chaque partie de son corps, des orteils jusqu’au sommet de la tête, en notant simplement les sensations présentes.
- L’histoire de la petite fourmi : Racontez une histoire où l’enfant imagine être une petite fourmi qui se promène sur son propre corps. Cela l’aide à développer une concentration fine et une conscience corporelle.
Cette image d’un enfant apaisé, les yeux fermés, illustre l’état de calme intérieur que ces exercices permettent d’atteindre.

Comme le témoigne Véronique, une enseignante de CE2, ces pratiques transforment l’ambiance de la classe : « Nous vivons un rituel bien agréable en début d’après-midi, un moment privilégié pendant lequel les enfants peuvent apprendre à se connaître, à habiter leurs corps et leurs sensations, à prendre conscience de leurs émotions et du stress et à mieux interagir avec les autres. »
En offrant ces outils à votre enfant, vous lui donnez les clés pour devenir le maître de son monde intérieur, capable de trouver le calme même au milieu de la tempête.
Le piège du « Jacques a dit » : le jeu qui entraîne le cerveau de votre enfant à ne pas réagir impulsivement
Au premier abord, « Jacques a dit » semble n’être qu’un jeu enfantin pour s’amuser en groupe. Pourtant, d’un point de vue neurocognitif, c’est l’un des entraînements les plus directs et les plus efficaces pour une fonction cérébrale supérieure absolument cruciale : l’inhibition cognitive. Cette compétence, qui siège dans notre cortex préfrontal, est la capacité de notre cerveau à supprimer une réponse automatique ou impulsive pour la remplacer par une action plus réfléchie et appropriée. C’est, en somme, la petite voix qui nous dit « attends, réfléchis » avant d’agir.
Dans un monde de notifications et de gratification instantanée, cette capacité est constamment court-circuitée. Les écrans entraînent le cerveau à réagir, à cliquer, à « swiper » sans délai. « Jacques a dit » fait exactement l’inverse. Le jeu crée un automatisme (obéir à l’ordre) puis force l’enfant à le casser activement si la consigne « Jacques a dit » n’est pas prononcée. Pour réussir, l’enfant doit donc faire deux choses : maintenir son attention sur la consigne (attention soutenue) et, surtout, inhiber son impulsion à bouger si la condition n’est pas remplie. Chaque tour de jeu est une répétition qui renforce ce circuit de contrôle.
Cette compétence est fondamentale pour la réussite scolaire et sociale. C’est l’inhibition cognitive qui permet à un enfant de ne pas crier la réponse en classe mais de lever la main, de ne pas se laisser distraire par un oiseau qui passe par la fenêtre pendant une leçon, ou de ne pas couper la parole à un camarade. Comme le souligne une séquence d’activités de la fondation La main à la pâte, il est essentiel de permettre aux élèves de constater que si l’attention a des limites, on peut apprendre à « faire attention à son attention« . Entraîner l’inhibition, c’est exactement cela : prendre le contrôle conscient de ses propres automatismes.
En jouant régulièrement à « Jacques a dit » ou à ses variantes (comme le « Jeu du Silence » où l’on doit rester immobile quand la musique s’arrête), vous ne faites pas que passer un bon moment. Vous sculptez l’une des compétences fondamentales qui permettra à votre enfant de naviguer avec succès dans un monde complexe et plein de distractions.
À la recherche du jeu silencieux : comment les jouets traditionnels aident votre enfant à trouver le calme et la concentration
Face au vacarme numérique, la quête du calme devient un acte de résistance. Les jouets traditionnels, parfois perçus comme désuets, sont en réalité de puissants alliés pour reconstruire la capacité de l’enfant à se plonger dans une activité de manière profonde et prolongée. Contrairement aux applications et aux jeux vidéo conçus pour capturer l’attention par des récompenses constantes et des stimuli intenses, les jeux silencieux comme les LEGO, les Kapla, les puzzles ou le modélisme fonctionnent sur un principe inverse : la gratification est différée, intrinsèque, et naît de l’effort et de la persévérance.
Leur « silence » n’est pas seulement sonore, il est aussi cognitif. Un set de construction n’envoie pas de notifications, ne propose pas de « niveau suivant » clignotant. Il offre un univers de possibilités qui ne peut être exploré que par la propre initiative de l’enfant. Cette absence de guidage externe force l’enfant à puiser dans ses propres ressources : il doit planifier, anticiper, tester, se tromper, recommencer. Ce processus itératif est un entraînement exceptionnel pour l’attention soutenue et la résolution de problèmes. L’enfant n’est plus un consommateur passif de contenu, mais un créateur actif de son propre jeu.
L’urgence de réintroduire ces activités est soulignée par la recherche. Une étude marquante publiée dans Scientific Reports montre que les moindres capacités d’attention chez les enfants étaient corrélées à une exposition quotidienne aux écrans tactiles dès l’âge de 12 mois. Cela suggère que l’exposition précoce à des stimulations rapides et passives pourrait perturber la maturation même des circuits attentionnels. Comme le concluent les auteurs de cette étude, « les premières années de la vie sont déterminantes pour que les enfants apprennent à contrôler leur attention ».
Les premières années de la vie sont déterminantes pour que les enfants apprennent à contrôler leur attention.
– Auteurs de l’étude Scientific Reports, Étude sur l’impact des écrans tactiles sur la concentration
En offrant à votre enfant des plages de jeu non structurées avec ces outils « basse technologie », vous lui offrez un cadeau inestimable : l’opportunité de découvrir le plaisir de la concentration profonde et la fierté de la création patiente.
À retenir
- L’environnement est la première cause de distraction. Créer une « bulle de silence » visuel et sonore est une priorité absolue.
- La concentration est un « muscle » qui s’entraîne. Les jeux de société ciblant l’inhibition cognitive et l’attention sélective sont un entraînement efficace.
- L’hygiène neuro-cognitive est le carburant de l’attention. Un sommeil de qualité et une alimentation équilibrée sont des prérequis non négociables.
L’éloge de la lenteur : les jeux qui apprennent à votre enfant le super-pouvoir de la patience dans un monde d’immédiateté
Dans une société qui valorise la vitesse et la réaction instantanée, la patience est devenue un véritable super-pouvoir. Apprendre à un enfant à être patient, ce n’est pas lui apprendre à subir l’attente passivement, mais à utiliser ce temps pour observer, réfléchir et planifier. C’est une forme active et hautement concentrée d’attention. Les jeux qui cultivent la lenteur sont un contrepoison essentiel à la culture de l’immédiateté. Ils enseignent que les résultats les plus gratifiants sont souvent ceux qui demandent du temps et de la persévérance.
De nombreuses activités ludiques permettent de développer cette compétence précieuse :
- Les jeux d’observation : Du simple « Où est Charlie ? » aux jeux des 7 différences, ces activités obligent l’œil et l’esprit à ralentir, à scanner méthodiquement une image et à se concentrer sur les détails.
- Les puzzles progressifs : Commencer avec des puzzles de 20 pièces pour finir avec des puzzles de 200 pièces est un excellent entraînement à la patience. Chaque pièce posée est une petite victoire qui alimente la motivation pour la suite.
- Les constructions complexes : Les maquettes, les LEGO techniques ou les constructions en Kapla qui demandent de suivre un plan sur plusieurs heures enseignent la planification à long terme et la satisfaction de voir un projet prendre forme étape par étape.
- Les activités créatives : Le dessin détaillé, l’origami qui demande de suivre des plis précis, ou le modelage sont des activités qui absorbent complètement l’attention et où la qualité du résultat dépend directement du temps et du soin investis.
L’importance du jeu libre et non précipité est capitale. Une exposition prolongée aux écrans peut engendrer des troubles variés, incluant des retards de langage, des troubles du sommeil, mais surtout des difficultés de concentration et une agitation accrue. Ralentir le rythme, c’est permettre au système nerveux de l’enfant de se réguler et de développer sa capacité à s’engager dans des tâches exigeant un effort mental prolongé.
En valorisant et en encourageant ces moments de calme et de patience, vous ne préparez pas seulement votre enfant à être plus concentré à l’école. Vous lui donnez les armes pour construire une vie intérieure riche et résister à la pression constante de l’urgence.
Questions fréquentes sur la concentration de l’enfant
Qu’est-ce que la concentration ?
C’est être capable de faire abstraction de tout ce qui se passe autour de soi pour se concentrer uniquement sur la tâche en cours. La concentration suppose donc un réel engagement et la capacité à filtrer les informations non pertinentes.
Comment aider un enfant à résister aux distractions pendant les devoirs ?
La règle d’or est de n’avoir aucun écran à proximité de son bureau. Durant les pauses, encouragez-le à s’aérer ou à interagir avec la famille plutôt que de se ruer sur un smartphone. Reprendre le contrôle de son attention après une stimulation intense sur écran est beaucoup plus difficile pour le cerveau.
Pourquoi est-il important d’entraîner l’inhibition cognitive ?
Pour pouvoir se concentrer sur un devoir de mathématiques ou sur la lecture d’un texte, l’enfant doit être capable de filtrer toutes les informations parasites venant de l’environnement (un bruit, un mouvement). Il doit aussi savoir inhiber les pensées intrusives qui viennent l’assaillir. L’inhibition est le « gardien » de la concentration.